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C’est surtout à travers l’affiche, interlocutrice directe de la peinture,
et à travers l’écran publicitaire qui appartient à l’univers
cinématographique que peuvent être traités les rapports de la publicité
avec l’art. Par l’affiche, qui marqua ses véritables débuts, la publicité
est certes d’origine artistique mais, à mesure qu’elle se développait en
se diversifiant, elle s’est vu reléguée dans un ghetto qui pourrait bien
correspondre à l’«inconscient» de l’art. Par sa seule existence, la
publicité heurte de front la hiérarchie mise en place à partir de la
notion d’un art «pur». Pourtant, nombre de ses manifestations sont aussi
convaincantes que des œuvres qui sont censées être nées d’un besoin de
création désintéressé.. Le jugement qui frappe la création publicitaire
est fuyant car il s’appuie, selon les besoins d’une démonstration nourrie
d’a priori, sur des arguments tantôt esthétiques, tantôt sociologiques,
tantôt économiques, voire moraux, sans que le passage des uns aux autres
fasse l’objet d’une signalisation particulière.
Les rapports entre publicité et art, faute d’être énoncés de façon
cohérente, sont prétexte à de brèves évocations qui tendent soit à
minimiser l’œuvre publicitaire – en la situant parmi les arts «mineurs» –,
soit à la rejeter en l’accusant d’être porteuse d’une faute originelle,
celle d’avoir été conçue sous le signe du mercantilisme. La publicité
introduit dans l’ordre établi de l’art une irrésolution qui n’est pas près
d’être surmontée mais qui peut s’avérer féconde pour l’esprit critique.
Une forme d’expression liée à
l’écriture
La publicité, elle, est au départ une écriture, puis une écriture
illustrée, enfin un message visuel destiné à rendre accessible, de la
manière la plus immédiate, la plus concise, un slogan, un produit, une
marque... Le but idéal, rarement atteint, étant de transformer l’écriture
en un message exclusivement plastique, grâce auquel toutes les données
seraient perçues simultanément. «Même dans les œuvres les moins
figuratives et les plus dénuées de contenu religieux, l’artiste est
créateur d’un message; il exerce à travers les formes une fonction
symbolisante qui perce ailleurs dans la musique ou le langage» (André
Leroi-Gourhan).
L'art publicitaire moderne est né du
développement de la lithographie au XIX ème siècle
Dans les premières affiches imagées, l’information écrite et son
illustration sont juxtaposées, puis le graphiste s’efforce d’absorber
l’écrit dans la composition de l’image. Dès que s’impose l’idée qu’un
produit ou une idée politique pourrait être mieux servi en s’appuyant sur
l’image, le responsable d’une campagne publicitaire ou politique fait
appel à des artistes. D’abord parce que ceux-ci paraissent les plus
capables d’inventer des images, ensuite parce qu’ils sont les plus aptes à
utiliser les techniques de la gravure sur bois, de la lithographie...
Cette dernière, en particulier, après avoir servi à «démocratiser» les
chefs-d’œuvre, devint un mode de création original. Des artistes comme
Daumier, Manet, Gavarni, Cham, Grandville, Tony Johannot, Bertall.. ont
même trouvé un style adapté à la lithographie. C’est donc à des créateurs
connus pour leur habileté que seront demandées les premières œuvres
publicitaires illustrées.
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Chéret créateur d'un nouvel art
populaire
Au départ, l’image est «bordée» par le texte.
Puis, progressivement, ce dernier sera considéré comme partie intégrante
de la composition générale. L’affiche du Bal Valentino, créée par Chéret
en 1872, témoigne de l’alliance de l’écriture et de l’image dans une
composition enfin unifiée. Chéret fera figure de créateur d’un nouvel art
populaire. Au cours de son apprentissage de lithographe en Angleterre, il
avait vu les grandes affiches du cirque américain Barnum, alors en
tournée, et compris tout le parti qu’il pouvait en tirer pour créer un
nouveau type de fresque. Durant toute sa vie, il n’a cessé de s’inspirer
des envolées lyriques de Giambattista Tiepolo dont les reproductions
ornaient les murs de son atelier. Son intention était bien de faire de
l’art.
Son art trouvera-t-il pour autant grâce
aux yeux de la critique? On peut en douter à la lecture d’un texte que
Huysmans, esprit pourtant «très ouvert», consacre au Salon de 1879: «Pour
moi, j’aimerais mieux toutes les chambres de l’exposition tapissées des
chromos de Chéret ou de ces merveilleuses feuilles du Japon qui valent un
franc la pièce, plutôt que de les voir tachetées ainsi par un amas de
choses tristes. De l’art qui palpite et qui vive, pour Dieu! et au panier
toutes les bondieuseries du temps passé! Au panier toutes les léchouiller
à la Cabanel et à la Gérôme!» (L’art moderne, 1re éd., 1883, Stock).
Certes, les «chromos» de Chéret sont
préférés à ce que Huysmans considère comme de la mauvaise peinture, mais
cela ne leur confère pas pour autant la dignité d’œuvre d’art.
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Toulouse Lautrec - affiches à la
frontière de la peinture et de la caricature
Toulouse-Lautrec, Bonnard, Vuillard, Steinlen partagent leurs activités
entre création graphique de caractère publicitaire et création picturale
«pure».
Seules les affiches du premier seront vraiment reconnues comme les égales
de ses autres œuvres. Il est vrai qu’elles s’inscrivent dans une vision
qui constitue une exception dans l’histoire de la peinture. Avec l’œuvre
de Lautrec, située à la frontière de la peinture et de la caricature,
historiens et critiques ont accepté de voir l’art s’encanailler.
Alphonse Maria MUCHA (1860-1939) et
l'Art Nouveau
Artiste peintre né en Tchécoslovaquie est un des fondateurs de l'art
nouveau . Le mouvement commença dans les années 1890 et se prolongea
jusqu'en 1910. Cet Art avait pour objectif de prendre le contre-pied des
arts du XIXe siècle qui s'inspiraient du passé. Il toucha de nombreuses
disciplines : illustration, joaillerie, couverts, meubles et surtout
l'architecture. l'art devait être pour tous et non plus pour une élite.
L'art devait également rendre l'utilitaire agréable. Sa rencontre avec
Sarah Bernhardt qui voulait une affiche pour sa pièce Gis monda fut pour
Mucha une chance inestimable qu'il saisit. Sa renommée devint
internationale et il réalisa de nombreuses affiches de pièces de théâtre
et de produits vedettes tels que la bière de la Meuse, le Papier Job, Le
champagne Moët et des produits de luxe. L'art nouveau de Mucha est
illustré par des volutes.
L'affiche outil de propagande
Avec la guerre de 1914-1918 vient la période de la propagande. Le
publicitaire, le caricaturiste croient, là encore, faire œuvre
d’édification. Steinlein, Raemeckers, Abel Faivre pensaient, en effet,
accomplir un travail d’information en mettant leur talent au service d’un
ordre qu’ils combattaient. Peut-être cette guerre, par les exagérations et
les mensonges qu’elle a suscités, marque-t-elle de façon décisive la
séparation entre l’image et la vérité qu’elle était censée représenter.
Les moyens se séparent définitivement des fins et acquièrent une logique
propre qui va peu à peu se constituer en règles de persuasion,
indépendamment des causes à défendre.
L'art déco -La publicité «à la
remorque» de l’art?
Durant les années 1920, l’affiche reprend son souffle, cette fois sous la
houlette du cubisme et se manifeste à travers des personnalités comme
Gleizes et Metzinger. Des réalisations publicitaires majeures vont alors
voir le jour; elles sont signées Cassandre, Charles Loupot, Paul Colin,
Carlu, en France, McKnight-Kauffer et Ashley Avinden aux États-Unis et en
Angleterre, Biró en Hongrie... La quasi-totalité de la publicité de cette
époque – que ce soit celle des affiches ou des annonces figurant dans les
revues et les programmes de théâtre – témoigne d’une volonté retrouvée de
soumettre objets et décors à un style unique: L’art déco l’affiche pour
L’étoile du Nord de Cassandre ou les stylisations poussées d’un Charles
Loupot pour L’apéritif Raphaël non seulement ne choquèrent personne, mais
s’imposèrent d’emblée comme des événements visuels.
Cassandre jette les principes de base
de l'affiche:
- Établir une communication claire,puissante, précise;
- La lettre joue dans l'affiche un rôle capital- C'est autour du texte que
doit tourner le dessin et non l'inverse.
Capiello est l'inventeur des fonds unis et de toute une série de
personnage incarnant une marque ou un produit.
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La
publicité oeuvre pop art
les artistes des années 1960 vont puiser dans le paysage urbain et dans
son décor publicitaire. Les boîtes de coca-cola ou de soupe Campbell, par
exemple, œuvres de concepteurs publicitaires, vont soit devenir des
éléments de nature morte, soit être utilisées telles quelles comme des
ready made. Dans les œuvres du pop art, la présence d’une boîte de
coca-cola tient de la provocation car l’emballage standard est à lui seul
une promesse de destruction. Dans ce contexte, l’introduction de la
publicité dans les œuvres marque, au sein de l’art, une fracture.
Le surréalisme au secours de la
publicité
le surréalisme avec Chirico, Max Ernst, Dalí et surtout Magritte allait
jeter le trouble et donner à la publicité des armes ambiguës.. Magritte
survint. Peintre sans esthétique, peintre qui n’en était pas un,
philosophe plutôt et même linguiste, qui créait des décalages entre les
objets et leur désignation, entre les objets et leur représentation...
Aucun autre artiste n’a été utilisé avec moins de scrupule. Ses ciels, ses
nuages, ses colombes, ses pluies d’hommes coiffés d’un chapeau melon, ses
visages cachés derrière une pomme, ses fauteuils en marbre, ses grelots...
ont été soit repris tels quels, soit plagiés. Il a mis à la disposition
des publicitaires et des éditeurs un répertoire d’objets et de situations
passe-partout. Situation d’autant plus paradoxale que lui-même a fait de
la publicité «pour vivre...».
Le publicitaire et l’art
Le publicitaire est lié à un présent qui, par avance, le disqualifie aux
yeux de l’amateur d’art. Son activité, ouvertement commerciale, est
démonétisée sur le plan esthétique, toujours au nom de l’essence. Un
critique d’art n’est-il pas allé jusqu’à qualifier l’image publicitaire de
«prostituée»? Mais l’art lié à une cause, à un certain type de mécénat
n’est-il pas prostitué? Que penser des portraitistes obligés de flatter
leurs modèles et qui n’en ont pas moins réalisé des tableaux tenus pour
des chefs-d’œuvre?
La valeur «artistique» conférée à une œuvre tient également à son
caractère unique.
L’artiste qui utilise la lithographie ou la gravure travaille pour le
nombre, tout en limitant la quantité d’exemplaires mise sur le marché. Les
techniques employées sont alors considérées comme des prolongements de la
peinture et ne sont pas considérées comme de simples reproductions, dans
la mesure où le nombre d’exemplaires en circulation reste plus près de
l’exemplaire unique que du grand nombre. Or la publicité, elle, est placée
sous le signe de la quantité. Les techniques employées évoluent dans ce
sens avec l'apparition des moyens informatiques et de ses prolongements
dans le virtuel afin de capter le subconscient des individus. Le graphisme
change avec ces nouvelles techniques. Le temps de la règle et du compas
est terminé; L'informatique ne sacrifie pas pour autant sur l'autel de la
rigueur une certaine exigence plastique ou entre toujours une richesse
dans la couleur et un rendu par l'aérographe. C'est seulement l'exigence
du délai demandé qui ne permet plus de travailler l'affiche comme le
faisait Loupot ou Cassandre.
Alors qu’importe que de très nombreuses
œuvres publicitaires soient esthétiquement supérieures à des œuvres
considérées a priori comme artistiques simplement parce que l’on sait
qu’elles sont produites à de rares exemplaires. Quand l’artiste pop
utilise un emballage ou une bande dessinée comme sujet de son œuvre – même
s’il copie servilement son modèle – ou quand un peintre fait ouvertement
état de préoccupations mercantiles, l’œuvre produite sera néanmoins tenue
pour de l’art en fonction d’une vision globale en dépit du modèle imité ou
du cynisme affiché. Le peintre de génie et celui qui n’a pas de talent,
malgré leur inégalité sur le plan de la création, sont dans l’esprit de la
critique et du public plus près l’un de l’autre. C’est respectivement
– c’est-à-dire chacun selon son appartenance – que sont reconnus les
talents d’un Klee ou d’un Cassandre, et non en fonction de critères de
jugement qui seraient communs à l’un et à l’autre. Le grand public
lui-même reconnaît pour de l’art ce qu’il ne comprend pas ou ce qui
l’ennuie, mais il refuse cette qualité à ce qui le séduit ou l’amuse.
L'affiche de tourisme fut longtemps proche d'une peinture
post-impressionniste
Art et publicité ont des modes
d’apparition différents. L’art pur est crédité de la profondeur, la
publicité vise à rompre les surfaces. Il n’empêche que, une fois sa
fonction accomplie, la publicité devient, par la trace qu’elle laisse,
l’égale de l’art et, pour ce dernier, un scandale. Ce qui les sépare alors
n’est plus du domaine du visible.
Galerie des Affiches

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